vendredi 20 mars 2015

Le « pacifisme » : une justification aux disparitions forcées ?


source.
Traduction d’un article publié sur le site de contre-information libertaire Proyecto Ambulante le 24 novembre.

4ff114a5991759dee180dcc954edd980_XL

Le « pacifisme » : une justification aux disparitions forcées ?

Tout a long de ces dernières semaines il y a eu débat, aussi bien sur les réseaux sociaux que dans les rues au sujet des cagoulés, violents, « vandales », anarchistes et sur la façon dont leurs actions obéissent à une stratégie d’État afin de justifier la répression ; nombreuses sont les personnes qui ont exigé de l’État qu’il contienne et emprisonne ces jeunes qui ont opté pour l’action directe. Prendront-ils conscience des conséquences que trahissent leur discours ?
Hier j’ai lu un texte intitulé « Géographie infernale. Chronique de l’évacuation du Zocalo à la fin de la marche #20NovMx #Ayotzinapa » de Tryno Maldonado, lequel condense tout le discours « pacifiste » qui a été élaboré tout au long de ces semaines ; dans sa « chronique » plutôt qu’un récit de la journée il finit par pointer du doigt « les supposés « anarchistes » qui parviennent à semé la violence », qui n’étaient « (…) qu’une poignée visiblement isolée à côté de la rue Corregidora, face à la façade du Palais National. L’énorme rassemblement pacifiste – beaucoup de familles et de personnes âgées parmi eux – les appelle à la non-violence et se démarque visiblement, loin de ceux qui prétendent instaurer le chaos pour donner un prétexte à la répression. » Comme si le chaos et la répression n’étaient pas déjà instaurés par un appareil d’État qui tout au long de l’historie contemporaine du Mexique a assassiné, fait disparaître et torturé des femmes et des hommes ayant décidé de l’affronter ouvertement ; la Guerre Sale, toujours impunies, a été rénovée avec ce qu’on appelle la Guerre contre le narco au début du mandat de Felipe Calderón Hinojosa et qui maintenant menace de se perpétuer, au mains du PRI, avec l’aide du PRD et presque tous les partis nationaux, à travers de nouvelles modalités et formes, mais qui sont à la fois si semblables à celles du passé : impunies, sélectives, systématiques.
La disparitions forcées des normaliens d’Ayotzinapa constitue un évènement qui remue l’agrégat politique de Yo Soy 132, Atenco, le cas ABC et beaucoup d’autres indignations dans lesquelles nous, mexicains, nous sommes vues immergés ; les rues du Mexique et du monde ont débordé de voix criant C’était l’État ! Ils les ont emmenés vivants, nous les voulons vivants ! Des femmes, des hommes, des enfants, des anciens, des anciennes et des gens qui n’étaient jamais descendus dans la rue se sont unis à l’exigence de Présentation en vie et châtiment des coupables ! C’est un temps pour la rue, parce que c’est là que les gens se connaissent et se reconnaissent pour continuer d’exiger de l’État qu’il ne nous tue plus, qu’il ne nous viole plus, qu’il ne nous torture plus et ne nous fasse plus disparaître ; heureusement par ce muscle des rues indigné, blessé, en colère, solidaire. Dans ce débordement de la rue ont été faites d’autres actions tel que l’incendie de palais municipaux, siège de partis politiques, magasins en libre-service, unités et arrêts des transports publiques et la porte du Palais Nationale, des faits qui ont dévié la colère non seulement de l’État mais aussi d’un secteur de la population qui se définit comme « pacifiste » et qui exige la mise à l’écart et la détention des cagoulés qui ne cherchent qu’à altérer l’ordre et la paix. À quel ordre et quelle paix faites vous référence ? Seriez-vous d’accord pour que les radicaux disparaissent de force ? Pour leur confession obtenue par une large et soutenue torture ? Pour leur confinement à vie dans un centre d’extermination fédéral, appelé Prison ?
Il serait vraiment stupide de notre part de nier l’existence « d’infiltrés » du gouvernement, ceux qui ont été présents tout au long de l’histoire de la lutte sociale, ont pu les rencontrer dans les assemblées, les manifestations et les organisations politiques, parce que hé bien c’est leur boulot, d’infiltrer la résistance populaire ; mais il est aussi dangereux de faire d’eux un fantasme, c’est à dire, faire d’eux la présence d’une absence, jusqu’à générer une fantaisie dans laquelle tous ceux qui décident de passer à l’action directe finissent par être dénoncés comme « infiltrés » avec un argument aussi dangereux que « ils ne cherchent qu’à justifier la répression », chers lecteurs, nous qui sortons dans la rue pour exiger et dénoncer, nous violentons le statu-quo, c’est à dire que l’État n’a pas besoin d’autre justification que celle-ci pour pouvoir sortir ses corps de répression, je crois que ça a été clairement démontré par la répression du 20 novembre dernier ; cette nuit-là, beaucoup de gens ont fini en cellule, un défenseur des droits humains avec des enfants dans les bras a été frappé par des CRS, des jeunes couraient dans toutes les directions pour ne pas être rattrapés par ces bêtes en uniforme, aujourd’hui, un nombre important de jeunes sont poursuivis pour des délits fédéraux, détenus dans des prisons fédérales, à de nombreux kilomètres de leurs familles, de leurs collectifs et de leurs écoles pour, stratégiquement, rendre plus difficile leur défense et les faire plier. C’est pourquoi je pose la question à Tryno Maldonado : qui donc instaure la répression et le chaos ?
Tryno Maldonado n’a pas été le seul à avoir demandé la répression de ces jeunes, qui cagoulés ou non, ont opté pour l’action directe, le député du PRD, Fernando Belaunzarán, s’est également uni à la demande d’emprisonnement pour les « violents » qui ont altéré « l’ordre » et la « paix ». Nous demandons à ces deux « pacifistes » : êtes-vous conscients que les camarades normaliens en sont venus légitimement à ces actions violentes que vous réprouvez tant ? Êtes-vous conscients que le mobile de la disparition forcée des 43 camarades de l’École Normale Rurale « Isidro Burgos » d’Ayotzinapa est cette pratique politique qui violente la « paix » et « l’ordre » du statu-quo que vous défendez ? Le danger de la « chronique » de Tryno Maldonado et des paroles de Fernando Belaunzarán c’est qu’en exigeant la détention (répression) des anarchistes, des radicaux ou de toute personne optant pour l’action directe ou d’autres formes de lutte, ils donnent carte blanche à la répression et par conséquent à la disparition des camarades, tout ça, au nom de la perpétuation de « l’ordre » et la « paix » bourgeoise ; ces deux « pacifistes » ne se distinguent que peu de ce publiciste, nommé Alazraki, qui, il y a quelques jours dans sa rubrique dans le journal La Raison, exige la répression de l’État face à « ces mange-merde qui déstabilisent le pays ». Nous devons considérer la rubrique, les paroles, la « chronique » comme de véritables menaces et un affront à tous ceux qui en-bas s’organisent et résistent à une classe sociale et à son État, lequel cherche à nous immobiliser et même à nous exterminer.

10353090_312914448914975_893892175693471408_n
Il y a mille raisons de se couvrir le visage / Ne jugez pas à priori

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire