mardi 31 mars 2015

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collectifmexicainparis [at] gmail.com

Réflexions

REFLEXIONS:

MEDIAS LIBRES
Article 11: Ayotzinapa Disparition d'Etat
J. Bashet: Dans le Mexique d’Ayotzinapa : quand le monde d’en-haut s’effondre, écouter les voix d’en-bas
De l'Autre Côté du Charco: Ayotzinapa Crime d'Etat
G. Lapierre: Y aurait-il quelque chose de pourri dans l'Etat du Mexique
Portaplumas:  Ils nous ont tant pris qu’il nous ont même enlevé la peur.
Portaplumas: Le Pacifisme: Une solution aux disparitions Forcées?
Portaplumas: Le dangereux discours des "infiltrés"
De l'Autre Côté du Charco: Ouvrez les casernes sinon nous le ferons! ils l'ont dit , ils l'ont fait!
Comuniqué International: Ayotzinapa: Notre douleur Notre rage
Monde Libertaire: Les Enfants Rebelles d'Ayotzinapa
CQFD: Le Mexique dans tous ces démons
Liberons-les: La Guerre du Mexique d'en Haut
Fmsh: "Quels mouvements sociaux face à la violence au Mexique?"
Fréquences latines: "Au Mexique comme au testet, la police et l'état tuent"

MEDIA DE MASSE
Courrier International: "Ayotzinapa l'école militante des étudiants disparus"
Slate: "Comment le Mexique s'est rêvé en nouveau Brésil, pour se réveiller en nouveau Nigeria"
Atlantico: "Qu'est il arrivé aux 43 étudiants disparus d'Ayotzinapa"
Mediapart: "Ayotzinapa la face submergée de l'iceberg des violations aux droits de l'homme"
Arte: "la colère grandit au Mexique"
L'huma: "Nous sommes tous ayotzinapa"
Libération: "Iguala ou le crime organisé en uniforme"
Marianne: "Les 43 mystérieux disparus"


DROITS DE L'HOMME
LDH & FIDH: La LDH interppelle le gouvernement Français
Amnesty: 6 mois de frustrations et d'échec dans les recherches concernant les étudiants disparus
Amnesty: Collusion entre les autorités et le crime organisé
Amnesty: Iguala s'obstine pour ses étudiants disparus
Amnesty: L'enquête sur les disparitions forcées loin d'être concluante
Amnesty: Il faut libérer 11 détenus manifestant pour Ayotzinapa
Ldh: L'horreur s'appelle ayotzinapa

POLITIQUE D'EN HAUT
PCF: "le pcf exige le retour des 43"
NPA: "Solidarité avec les étudiants et les parents d'ayotzinapa"
Le parlement européen "à l'écoute" des parents d'ayotzinapa
PG: "Solidaires des manifestants après la mort des 43 étudiants"

Videos

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sous-titré en francais :

- Ayotzinapa et les zapatistes

- El hogar de Felipe, sous-titres en français

- Ayotzinapa: La Lutte Continue

- Chronique d'Ayotzinapa

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interventions d'Ayotzinapa au CIDECI, l'université de la
terre de SAn Cristobal de Las Casas, durant le Festival mondial des
résistances et des rébellions au capitalisme, le 2 janvier 2015.
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- Ayotzinapa : paroles de Bernabé Abraham Gaspar au CICECI le 2 janvier 2015

- Ayotzinapa : paroles de Doña Bertha au CIDECI le 2 janvier 2015

- Ayotzinapa : paroles de Lambertino Cruz Antonio au CIDECI, le 2 janvier
2015

- Ayotzinapa : paroles de Cruz Bautista Salvador le 2 janvier 2015 au CIDECI

- Ayotzinapa : paroles d'Armando García Hernández, le 2 janvier 2015 au
CIDECI

- Ayotzinapa : paroles d'Omar, porte-parole des étudiants le 2 janvier
2015 au CIDECI

13.01 Vidéo de parents des 43 qui ont réquisitionné un camion de Coca Cola pour entrer dans une caserne militaire





La Guerre du Mexique d’en haut

@libérons-les

Introduction

Ces dernières années, une guerre contre le peuple mexicain a été déclenchée sous le prétexte d’arrêter le crime organisé et le narcotrafic. Plus de 180 000 personnes sont mortes ; des villages entiers vivent sous le feu croisé des militaires, des policiers et des narcotrafiquants.
Tout le Mexique vit une situation de violence grandissante, d’hostilité majeure contre toute forme de protestation. La militarisation et para militarisation du territoire progresse continuellement.
Cette guerre arrange bien les États-Unis et le système capitaliste. Malgré tout, des milliers de personnes, villages et communautés résistent sans se rendre ni se vendre.
Au Mexique, au milieu d’une politique d’un État criminel, qui a choisi de déclencher une guerre contre la population sous couvert du combat contre le crime organisé, surgissent de nouveaux processus qui marquent des points de rupture, comme dans le cas de Ciudad Juárez où les gens répondent malgré la peur et la mort, par des nouvelles formes d’organisation, non seulement depuis en-bas, mais aussi depuis le souterrain.
Cela a généré de nouvelles façons de faire de la politique, de sortir dans la rue pour dire ça suffit, de construire, là où chacun se trouve, quelque chose de différent, quelque chose d’urgent qui naît et résiste depuis en-bas. En ce moment, au Mexique il y a une menace constante contre les mouvements sociaux et une criminalisation vorace contre les pauvres, les jeunes, les sans-voix.
Un contexte dans lequel les formes indépendantes de recherche de nouvelles possibilités se trouvent dans de nouveaux sujets et de nouvelles formes qui, au delà du visible, construisent une autre façon de résoudre les problématiques, en donnant libre cours aux rêves; des processus organisationnels qui ont surgi à des moments différents, certains d’entre eux inspirés de la lutte zapatiste, de l’Autre campagne, dans des moments conjoncturels et même au cœur des espaces les plus corporatifs, rompant avec les contenants pour réussir à avoir une voix.
Des villages, des villes, des quartiers dans lesquels on ne croit plus en la politique étatique et où, quand il leur est demandé de voter pour qui que ce soit, ils ne voient à nouveau que l’abus et espèrent autre chose, pas les élections, mais quelque chose de plus profond.
Dans cette guerre multiforme l’en-bas organisé survit, résiste et construit sa révolte dans tous les espaces dans lesquels il se trouve, en s’adaptant à un climat de plus en plus violent, en se mettant en lien de différentes façons, en semant des graines de dignité en silence, en-bas, tout en-bas.
Dans cette guerre, ceux d’en-bas organisés ont dû aller au-delà des formes habituelles de lutte, ont dû tracer leurs stratégies, en créant des réseaux de solidarité et d’organisation, en repensant leurs formes de dénonciation, en cherchant dans les autres en-bas de nouveaux compagnons de lutte.
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Ayotzinapa

Mexique : la guerre d’en haut, le cas d’Ayotzinapa parmi tant d’autres.

nosfaltanatodos
C’est une guerre pleine de guerres
Le 12 janvier dernier, les médias dominants mexicains signalaient avec inquiétude les prévisions données par la Banque Mondiale : « La violence en Amérique latine a déclenché les signaux d’alerte, en raison des effets qu’elle pourrait avoir sur la croissance économique dans les années à venir. Les prévisions sont mauvaises », signale la Banque (1). Ceux d’en haut s’affolent, depuis quelques semaines la presse ne fait que nous matraquer avec ces prédictions en s’inquiétant pour la croissance économique censée s’améliorer grâce aux réformes… Mais la réalité d’en bas est toute autre. Ce même 12 janvier, toujours à la recherche des 42 étudiants disparus, les parents des 43 étudiants d’Ayotzinapa et les étudiants, manifestaient devant le 27e bataillon de l’Armée Mexicaine en exigeant l’ouverture d’une enquête spécifique, claire et complète, sur l’Armée Mexicaine, pour sa participation aux faits qui ont eu lieu le 26 et le 27 septembre 2014.
Ces dernières semaines, en bas et à gauche, des centaines de personnes, collectifs, organisations indigènes, non-indigènes, nationales et internationales, convergeaient au Premier Festival Mondial des Résistances et des Rébellions contre le Capitalisme, organisé par le Congrès National Indigène (CNI) et l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN). Là, dans cet espace d’échanges, du 21 décembre au 3 janvier 2015, les rages, douleurs et résistances témoignaient, d’une part du caractère destructeur, prédateur et avide des transnationales soutenues par l’État aux dépends des territoires, villages, et des peuples, mais aussi du fait que le capitalisme s’attaque insatiablement à la résistance, la dignité, l’autonomie, la rébellion… Le capitalisme s’attaque insatiablement à tous ceux et celles qui s’opposent de façons diverses à sa logique de guerre.
Entre les participants et les invités au festival, se trouvaient les pères et mères des 43 étudiants disparus d’Ayotzinapa.
Quelques jours avant le festival, le Sous-Commandant Insurgé Moisés de l’EZLN, signalait dans un long communiqué : « (…) le cauchemar d’Ayotzinapa n’est ni local, ni propre aux États, ni national. Il est mondial. Parce qu’en fin de compte ce n’est pas seulement un attentat contre les jeunes, ni seulement contre les mecs. C’est une guerre pleine de guerres : la guerre contre ce qui est différent, la guerre contre les peuples natifs, la guerre contre la jeunesse, la guerre contre celui ou celle qui, par son travail, fait avancer le monde, la guerre contre les femmes (…) Parce qu’en fin de compte c’est de ça qu’il s’agit, il n’a toujours été question que de ça : d’une guerre, désormais contre l’humanité ». (2)
Le responsable est l’État
Depuis le 26 septembre 2014, nous avons été témoins de la lutte infatigablement digne que les parents des 43 étudiants ont menée avec une grande détermination. Nous avons été également témoins du manque de sérieux et des contradictions et mensonges de la part du gouvernement mexicain sur cet affaire et de son besoin urgent d’en finir avec le cas d’Ayotzinapa.
Combien de fois, les parents ont insisté sur le fait que le Gouvernement Fédéral ne suit pas toutes les lignes d’investigation, comme celle de la participation de l’Armée Mexicaine aux événements des 26 et 27 septembre, dans ce sens, le gouvernement n’a répondu qu’avec le silence et la mascarade… mais pas qu’avec ça.
Le 12 janvier dernier, les pères et les mères de famille des 43 étudiants disparus ont été attaqués par la police militaire pendant la dispersion d’une manifestation réalisée ce jour-là devant les installations du 27e bataillon de l’Armée Mexicaine à Iguala, État de Guerrero, « Au lieu que le gouvernement donne des ordres pour la libération des 43 étudiants, il ordonne d’agresser cette manifestation des parents … Cette action que nous menons, nous les parents, nous l’avons proposée à l’Assemblée Populaire du 3 janvier, là, nous avons décidé ensemble que des manifestations devaient se faire dans les casernes militaires de tout le pays, en raison de l’implication des militaires dans la disparition des étudiants les jours du 26 et 27 septembre » a déclaré Don Melitón, père de famille (3).
Pour sa part, Omar García, membre du comité étudiant d’Ayotzinapa, a assuré : « parmi nos exigences il y a l’ouverture d’une enquête spécifique, claire et complète, contre l’Armée Mexicaine pour sa participation aux faits qui ont eu lieu le 26 et le 27 septembre 2014. Nous avons insisté durant tout ce temps sur cette demande et malgré les preuves et les évidences claires quant à la participation de l’Armée, aucune enquête spécifique n’a été ouverte, des personnes faisant partie de la société civile mexicaine ont donc décidé de soutenir les parents des 43 étudiants dans cette demande » (4).
Suite aux agressions que les parents et les étudiants d’Ayotzinapa ont subies, un communiqué du comité étudiant d’Ayotzinapa a été émis. Dans celui-ci, les parents dénoncent « l’agression lâche qu’on a subie aujourd’hui où l’État mexicain non content de la disparition et de l’assassinat de nos fils et compagnons, refuse l’ouverture d’enquêtes qui toucheraient l’Armée, et nous agresse une fois de plus » (5). Dans cette agression, les parents Mario Cesar González Contreras, Bernabé Abrajam Gaspar, María Concepción Tlatempa et les étudiants Omar García, Sergio Ochoa Campos et José Hernández Peña ont été blessés.
« Ça aurait pu être pire, nous sommes conscients que se rendre dans une caserne militaire n’est pas simple, mais depuis deux mois, nous avons insisté pour qu’une enquête sur la participation de l’Armée soit ouverte, je suis témoin et d’autres encore peuvent confirmer cette version » signale Omar (6)
La réaction immédiate du gouvernement a été d’annoncer la possibilité que les parents des disparus entrent dans les casernes, mais tout de suite après, le secrétaire du gouvernement Miguel Ángel Osorio Chong corrigeait sa déclaration en précisant que l’accès serait accordé uniquement pour l’entrée à la caserne d’Iguala dans l’État de Guerrero.
Omar signale « Nous ne sommes pas dupes. Les compagnons ont été dans la caserne d’Iguala, comme quelques téléphones portables appartenant aux étudiants disparus le démontrent, c’est évident, depuis ils ont été amenés ailleurs » Dans ce sens Omar Garcia fait référence à la localisation que les familles des disparus ont reçu à travers les téléphones portables, comme ce fut le cas de Rafael López Catarino, père de Julio César López qui signale que selon le GPS du téléphone portable de son fils, le dernier endroit où il a été c’est dans les installations du 27e bataillon militaire d’Iguala. « La localisation des téléphones portables n’a pas été étudiée par le Bureau du Procureur Général de la République (PGR), c’est une ligne d’investigation qui n’a pas été prise en compte, il existe la géolocalisation et le suivi de données, chaque appel et chaque message est enregistré et les entreprises de télécommunications doivent garder les enregistrements pendant deux ans ». (7)
C’est bien connu « Que dans le passé l’Armée a transporté des gens où bon lui semblait, vers le Camp Militaire numéro 1, ou bien vers d’autres endroits connus pour être des lieux de torture, d’emprisonnement de personnes disparues, nous savons qu’il y a eu des vols de la mort, des prisonniers politiques, et des ex-guérilleros qui ont été dans ces prisons témoignent du fait que les militaires se chargeaient de faire disparaître des gens. Sans compter les assassins payés par le gouvernement » (8)
« Le bras armé de l’État est l’Armée, et comme tel, elle est ce qu’il y a de plus pourri dans l’État mexicain. Tant que les structures de l’armée ne sont pas remises en cause ça ne sert à rien de changer de gouvernement, ceux qui ont le pouvoir réel au Mexique, ce sont les militaires. Si nous arrivons à démontrer le rôle de l’Armée, alors les militaires vont pointer du doigt les fonctionnaires et politiciens complices de tout ce qui a été fait. Le temps emporte toujours la vérité. Que nos compagnons soient vivants ou morts, le responsable est l’État » (9)
« Ici au Mexique, nous devons nous réveiller, nous sommes dans une situation à la limite du supportable et nous nous sommes contenus depuis trois mois et demi. Si la violence avait été notre volonté, alors nous l’aurions employée dès le début. Cependant, bien qu’ayant épuisé toutes les voix légales institutionnelles, nous n’avons pas eu de réponse claire, alors nous sommes aux limites du tolérable » (10) a conclu Omar García, étudiant d’Ayotzinapa et survivant des 26 et 27 septembre à Iguala.
La lucha sigue
Face au mépris total du gouvernement mexicain, face à sa volonté de tourner en rond sans donner de réponses, les parents ont dû trouver d’autres mécanismes et alternatives pour retrouver leurs enfants en vie. Ils ont élaboré un plan de recherche populaire, en se tournant vers ceux d’en bas, vers la société civile, en même temps ils ont demandé le soutien de la police communautaire car la situation n’est pas facile surtout quand il s’agit de traverser des endroits risqués, là où le crime organisé contrôle plusieurs régions. La recherche populaire s’avère la seule solution crédible face au manque de résultats donnés par le Bureau du Procureur Général de la République, à vrai dire, ils ne font pas confiance au gouvernement, ni à sa justice, ni à sa loi. (11)
Depuis le début des mobilisations, l’étudiant Omar García a insisté sur le fait que la violence et l’impunité ne concernent pas seulement Ayotzinapa ou l’État de Guerrero, mais tout le Mexique. Il a posé la question : « Qu’allons-nous faire de ce pays ? Et surtout, qu’allons-nous faire contre eux ?»
« Nous sommes déterminés à parvenir à nos fins, nous sommes des paysans et nous restons inflexibles face au discours du gouvernement qui prétend tout résoudre avec ses lois, alors que cette légalité ne défend que ceux d’en haut. Merde à sa légalité ! Elle ne nous convient pas. », a-t-il dit. (12)
Le 26 janvier cela fera 4 mois que les 43 étudiants d’Ayotzinapa ont disparu.
Malgré l’augmentation des disparitions et les nombreuses demandes des familles des disparus pour une prise en charge sérieuse des cas, le Mexique ne dispose pas d’un plan national de recherche des personnes disparues. Selon certaines informations récentes, entre août 2014 et octobre dernier, il y a eu au moins 1281 personnes disparues, ce qui veut dire 14 personnes disparues par jour. Le mois d’octobre 2014 le gouvernement fédéral donnait le chiffre de 23 603 personnes portées disparues. (13)
À propos de l’inefficacité gouvernementale dans cette affaire, Omar Garcia signale : « Le Bureau du Procureur Général de la République peut essayer ce qu’il veut, mais Ayotzinapa ne s’oublie et ne s’oubliera jamais. Notre plan est de fouiller toutes les casernes militaires. Nous n’allons pas nous arrêter à la caserne d’Iguala, nous allons continuer la lutte même s’il s’avère que nos compagnons sont morts. Il ne s’agit pas de 43, mais de milliers de disparus au Mexique » (14)
Résumé et traduction Les trois passants et Caracol Solidario
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Sources :
1) Média dominant : La Jornada, 14 de enero de 2015
2) Enlace Zapatista
3,4,5) Tlachinollan: Agrede policía militar a familias de Ayotzinapa en manifestación frente al 27º batallón de Infantería en Iguala
6,7,8,9,) Média dominant: La Jornada, 18 de enero de 2015, « Debe abrirse línea de investigación que incluya al Ejército », exige Omar García
10) Tlachinollan: Agrede policía militar a familias de Ayotzinapa.Op. cit.
11) La búsqueda, CDH Tlachinollan
12) Média dominant: La Jornada, 7 de Noviembre de 2014, « Normalistas rechazan versión de la PGR; piden pruebas contundentes »
13) Média dominant: La Jornada, 18 de enero de 2015, « Pese al incremento del fenómeno, México carece de un plan nacional de búsqueda »
14) Média dominant: La Jornada, 18 de enero de 2015, « Debe abrirse línea de investigación »…Op.cit

Massacre : Le Mexique dans tous ses démons



paru dans CQFD n°126 (novembre 2014), par Bruno Le Dantec
mis en ligne le 17/12/2014 - commentaires
« Au Mexique, c’est tous les jours le jour des morts », affirmait une banderole lors d’une manifestation d’étudiants, profs et parents des 43 normaliens disparus le 26 septembre à Iguala, dans l’état du Guerrero. Le cadavre d’un des jeunes a été retrouvé le lendemain des faits avec la peau du visage et les yeux arrachés. L’ultra-violence endémique qui déchire le pays – avec ses dizaines de milliers de morts au nom de la « guerre au narcotrafic » –, a pris ce jour-là un tour démentiel. Comment expliquer que des policiers municipaux abattent six personnes et en fassent disparaître 43 autres pour « donner une leçon » à des élèves de l’école normale rurale d’Ayotzinapa qui manifestaient ? Quel intérêt ont les narcos – qu’on accuse d’avoir pris livraison des 43 étudiants des mains des policiers pour ensuite les trucider et les enterrer dans des fosses clandestines – à se mêler du maintien de l’ordre dans une ville de province ?
On savait que les mafias de la drogue avaient infiltré des pans entiers de l’appareil d’État mexicain. On découvre soudain que ces « familles » qui se partagent à feu et à sang le territoire ont diversifié leur business. L’ancrage local est devenu primordial, non seulement pour assurer la tranquillité des passeurs de cocaïne, mais aussi pour arrondir les bénéfices avec l’extorsion d’argent public et privé. L’étape suivante a été de placer des hommes de paille à la tête des municipalités, comme le maire d’Iguala, aujourd’hui en fuite.
Les « familles » ne peuvent régner que sur une société désarticulée. Là où les solidarités sociales opposent un contrepoids à cette déliquescence – comme c’est le cas au Guerrero, avec entre autres le phénomène des “polices communautaires” –, la mafia lâche ses sicaires. « Le massacre des étudiants d’Ayotzinapa est une action stratégique et préméditée pour semer la terreur et soumettre la société locale, analyse l’universitaire Guillermo Trejo. Ce faisant, le groupe mafieux Guerreros Unidos réaffirmait son pouvoir face aux mouvements sociaux et, par la même occasion, lançait un message aux entrepreneurs et commerçants qu’il rackette. »
Le symbole est puissant  : au moment de leur assassinat, les normaliens réquisitionnaient des bus pour se rendre à la commémoration du massacre de la place Tlatelolco, le 2 octobre 1968, où des dizaines d’étudiants avaient été mitraillés par l’armée pour faciliter la bonne tenue des jeux Olympiques. « Dans le massacre d’Iguala convergent passé, présent et futur. Comprendre ce massacre uniquement comme un acte atroce du crime organisé, c’est voir le présent sans comprendre le passé. Mais interpréter cet abominable événement uniquement comme un crime d’État, c’est regarder le présent avec les yeux du passé. » (Guillermo Trejo) Le 26 septembre 2014 marque déjà ­l’histoire du pays. Il met à nu l’interpénétration des cartels de la drogue, de l’État et de tous les partis politiques mexicains [1]. La réponse ne peut plus qu’être sociale.

Notes


[1Le maire d’Iguala en fuite et le gouverneur du Guerrero, forcé à démissionner, sont encartés au PRD, parti « de gauche ».

Les enfants rebelles d’Ayotzinapa





La grande presse l’a évoqué pour ne plus en dire grand-chose ensuite : le 26 septembre dernier, à Iguala, dans l’État de Guerrero, au Mexique, six étudiants ont été tués et quarante-trois autres kidnappés par une force répressive mélangeant, en un cocktail sanglant, policiers et narcotrafiquants affiliés au cartel Guerreros Unidos. Ces malheureux faisaient partie d’une centaine d’étudiants de l’école normale rurale d’Ayotzinapa venus manifester contre la réforme libérale de l’enseignement, laquelle menace de fermeture nombre d’écoles normales rurales (au nombre de quarante-six en 1922, elles sont désormais dix-sept, dont deux sont en passe d’être fermées). Retour sur un énième crime d’État.

Ayotzinapa, la rebelle
L’école normale rurale d’Ayotzinapa – qui forme de futurs professeurs d’écoles – est depuis longtemps connue pour l’engagement militant de ses élèves et professeurs, qui fait d’elle un véritable centre de contestation politique et sociale dans cette partie du Mexique. Son fonctionnement même traduit cette volonté de porter en elle un monde nouveau, bien différent du modèle capitaliste et autoritaire dominant : pour y entrer, il faut prouver que l’on est pauvre ; les projets des élèves souhaitant, après leur formation, partir enseigner dans les communautés rurales sont encouragés et privilégiés ; les décisions qu’implique la gestion collective de l’école sont prises lors d’assemblées réunissant tous les acteurs de la structure ; etc. Dans un État, le Guerrero, réputé pour sa grande pauvreté et l’extrême violence des rapports sociaux, l’école normale rurale d’Ayotzinapa, située à trois heures de route de Mexico, est un îlot de résistance et d’espoir, un phare qui lutte pour continuer à briller et à apporter un peu de lumière et de chaleur aux populations écrasées sous le joug narco-policier.

Une répression sanguinaire
Que s’est-il donc passé le 26 septembre ? Ce vendredi-là, la centaine d’étudiants s’est rendue à Iguala à bord de deux autobus en vue de participer à la manifestation contre la réforme de l’enseignement. Interceptés par la police municipale à la sortie de la ville, ils ont tenté de dialoguer avec les agents pour obtenir le droit de passer, mais ils n’ont eu pour seule réponse que le bruit des armes à feu. Trois des étudiants venus parlementer sont ainsi tués sur place, cinquante-sept autres sont arrêtés et disparaissent ; les autres s’enfuient comme ils peuvent dans les collines alentours – trois autres jeunes seront aussi tués un peu plus tard par la police. Un des étudiants rescapés a ainsi décrit la scène à un journaliste d’El País : « Ils ont fait feu sur un copain presque à bout portant. La balle lui est entrée dans la mâchoire et lui a explosé la tête. Il était méconnaissable. Ils ont continué à tirer et nous avons pris la fuite comme nous avons pu. Nous étions cernés par des voitures de police, des policiers, et j’ai même vu des gens en civil 1. » Le lendemain, toujours selon El País, lorsque le jeune étudiant se rend à la morgue pour identifier le corps d’un des tués, il peine à le reconnaître : « L’étudiant était défiguré : on lui avait lacéré le visage au cutter et arraché les yeux », écrit le journaliste. La barbarie policière ne connaît aucune limite, surtout quand elle se conjugue avec celle des narcos, connus pour les mises en scène macabres de leurs crimes.

Rendez-nous nos camarades !
Si quatorze des cinquante-sept étudiants disparus sont réapparus depuis l’enlèvement, quarante-trois restent encore introuvables. Samedi 4 octobre, six fosses contenant vingt-huit cadavres, dont plusieurs découpés en morceaux et calcinés, ont été découvertes près d’Iguala. Dans la foulée, le procureur de l’État, Iñaky Blanco, a annoncé qu’il s’agissait très probablement des restes des étudiants kidnappés, d’autant que, dans la foulée, deux narcos ont avoué avoir tué dix-sept des quarante-trois manifestants. Pourtant, les familles et les proches des victimes n’ont depuis cessé de dire que ces corps ne sont pas ceux des étudiants disparus ; et ce d’autant que les alentours d’Iguala sont connus pour leurs « cimetières sauvages » où les victimes des narcotrafiquants et des flics sont enterrées en masse (pour la seule année 2014, plus de quatre-vingts corps y ont été découverts). Mercredi 15 octobre, les expertises ADN réalisées sur les vingt-huit cadavres des six fosses communes ont donné raison aux proches des victimes : ce ne sont pas ceux des étudiants kidnappés.
L’espoir de retrouver les étudiants en vie est donc toujours permis et il habite encore les mobilisations de la société civile mexicaine. Un espoir qui, d’ailleurs, ne se contente pas d’attendre passivement, mais qui vit et s’exprime au rythme de nombreuses et vastes mobilisations populaires qui envahissent littéralement les artères des villes dans tout le Mexique. Au Chiapas, l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) a ainsi organisé, le 8 octobre dernier, une marche silencieuse de vingt mille zapatistes dans les rues de San Cristóbal de Las Casas. Dans un communiqué, le sous-commandant insurgé Moisés a affirmé, au nom de l’EZLN, partager la souffrance des proches : « Vous n’êtes pas seuls. Votre douleur est notre douleur. Nôtre est aussi votre digne rage. » Et d’appeler, ensuite, les « compañeras et compañeros de la Sexta au Mexique et dans le monde […] pour qu’ils se mobilisent selon leurs moyens et modes, en soutien à la communauté de l’école normale d’Ayotzinapa, et pour la demande d’une vraie justice ».

Aveux coupables
Les manifestations de soutien aux étudiants d’Ayotzinapa étant nombreuses et légitimement très conflictuelles, le procureur de l’État de Guerrero a été contraint de reconnaître officiellement la collusion entre la police et le cartel Guerreros Unidos, en confirmant publiquement que le responsable de la répression était bien le directeur de la sécurité publique d’Iguala (un certain Felipe Florez), que les policiers avaient effectivement sollicité le soutien des Guerreros Unidos et que le chef de ces derniers, le sinistre El Chucky, avait bien ordonné le kidnapping et le meurtre des étudiants. Mais ces aveux ont tardé à venir, et les deux principaux responsables publics – le directeur de la sécurité et le maire d’Iguala – ont pu prendre la fuite sans être inquiétés. Eux aussi, désormais, sont introuvables, mais on les imagine dans un tout autre confort que celui des fosses communes des cartels.




1. Juan Diego Quesada, « Ayotzinapa, l’école militante des étudiants disparus », El País, 11 octobre 2014.

Ils nous en manquent 43

  1. Abel García Hernández
  2. Abelardo Vázquez Peniten
  3. Adán Abrajan de la Cruz
  4. Alexander Mora Venancio
  5. Antonio Santana Maestro
  6. Benjamín Ascencio Bautista
  7. Bernardo Flores Alcaraz
  8. Carlos Iván Ramírez Villarreal
  9. Carlos Lorenzo Hernández Muñoz
  10. César Manuel González Hernández
  11. Christian Alfonso Rodríguez Telumbre
  12. Christian Tomas Colón Garnica
  13. Cutberto Ortíz Ramos
  14. Dorian González Parral
  15. Emiliano Alen Gaspar de la Cruz
  16. Everardo Rodríguez Bello
  17. Felipe Arnulfo Rosas
  18. Giovanni Galindes Guerrero
  19. Israel Caballero Sánchez
  20. Israel Jacinto Lugardo
  21. Jesús Jovany Rodríguez Tlatempa
  22. Jonas Trujillo González
  23. Jorge Álvarez Nava
  24. Jorge Aníbal Cruz Mendoza
  25. Jorge Antonio Tizapa Legideño
  26. Jorge Luis González Parral
  27. José Ángel Campos Cantor
  28. José Ángel Navarrete González
  29. José Eduardo Bartolo Tlatempa
  30. José Luís Luna Torres
  31. Joshvani Guerrero de la Cruz
  32. Julio César López Patolzin
  33. Leonel Castro Abarca
  34. Luis Ángel Abarca Carrillo
  35. Luis Ángel Francisco Arzola
  36. Magdaleno Rubén Lauro Villegas
  37. Marcial Pablo Baranda
  38. Marco Antonio Gómez Molina
  39. Martín Getsemany Sánchez García
  40. Mauricio Ortega Valerio
  41. Miguel Ángel Hernández Martínez
  42. Miguel Ángel Mendoza Zacarías
  43. Saúl Bruno García




lundi 30 mars 2015

Ayotzinapa (Mexique) : notre douleur, notre rage


Communiqué International


1757Mexique
Et, maintenant, comment faire pour continuer à avancer dans cette nouvelle étape ? Depuis le 26 septembre 2014, le Mexique se voit tel qu’il est et le monde à nouveau découvre une réalité que l’on ne peut plus cacher et qui s’est révélée de la façon la plus terrible qui soit. Iguala est le lieu où le Mexique de douleur et de mort ne peut plus ignorer sa réalité, c’est le lieu qui a empli le monde entier d’indignation, c’est le lieu où le secret muet s’est converti en un cri de douleur et de rage. Quarante-trois étudiants disparus, trois étudiants assassinés. Tous assassinés et disparus à Iguala, tous assassinés et disparus par l’État. Tous assassinés et disparus par le pacte d’impunité qui lie la classe politique.

Mais, désormais, il ne suffit plus de parler d’impunité, car les institutions qui auraient dû exercer la justice non seulement ne le font pas mais elles se protègent elles-mêmes de leurs propres délits ; en réalité nous sommes devant un système qui trouve toujours comment et qui punit, de façon exemplaire et spectaculaire (coupable ou innocent), afin de pouvoir garder intacts le grand commerce de la corruption et les structures brutales du pouvoir qui maintiennent le pays entier submergé par la violence.

Au Mexique, ce n’est pas le système qui est corrompu, c’est la corruption qui est le système. Ce n’est pas qu’il y a de plus en plus de « vides » de l’État, mais c’est que ce qui apparaît comme des « vides » est en réalité plein de la nouvelle mutation de l’État mexicain : le Narco-État. Le couple Abarca (qui dirigeait jusqu’alors Iguala) est une terrifiante démonstration du lien entre le gouvernement et le crime organisé, mais le pire c’est que ce n’est pas le seul ni le pire exemple, c’est précisément un exemple de ce que sont devenues les institutions du Mexique. À Iguala, les 43 étudiants d’Ayotzinapa sont également la terrible preuve que les actions du Narco-État sont contre-insurrectionnelles, qu’elles cherchent la criminalisation des luttes, qu’elles cherchent à contrôler par la terreur, qu’elles cherchent le génocide de l’espoir.

Dans ce Mexique brisé, « sécurité » signifie « vivre terrorisé », entouré de militaires et policiers, surveillé en permanence. Dans ce Mexique brisé, les appareils des droits de l’homme sont utilisés pour s’assurer que les véritables agresseurs échappent à la justice et puissent continuer à agresser.
Dans ce Mexique brisé, l’ex-maire d’Iguala, José Luis Abarca, est accusé de nombreux délits, mais pas de celui qui entraînerait la reconnaissance de la responsabilité de l’État, celui de disparition forcée.

Dans ce Mexique brisé, María de los Angeles Pineda est maintenue aux arrêts pendant quarante jours et Noemi Berrument Rodriguez, protectrice du couple accusé, est laissée en liberté, tandis que ceux qui s’opposent au système, ceux qui défendent la terre, ceux qui exigent justice, ceux qui se solidarisent avec les familles des 43 étudiants disparus par l’État, ceux qui éclatent d’indignation, sont immédiatement emprisonnés.

Dans ce Mexique brisé, le pouvoir se scandalise lorsque quelqu’un brûle une porte en bois, tandis que pour les centaines de milliers de morts, les centaines de milliers de disparus, les centaines de milliers de déplacés, il n’y a que des montages médiatiques, de longs procès bureaucratiques, de fausses condoléances, mais jamais de justice.

Le message derrière la façon dont tout a été fait à Iguala, derrière les milliers de morts et de disparus dans tout le Mexique, c’est qu’aucune vie n’a de valeur, et que, depuis ces « nouvelles institutions », la façon de gouverner c’est désormais la mort.

Pour toutes ces raisons, après que le monde ait espéré, par une enquête rigoureuse une réponse quant à la situation des 43 normaliens disparus, il est indigne et douloureux de constater que les enquêteurs aient montré non seulement leur incompétence, mais également un impressionnant manque du minimum de respect envers les familles des victimes et, à travers elles, envers toute la société, car leur unique objectif est de biaiser les enquêtes afin d’occulter la vérité.

L’indignation a grandi, a débordé les places, croissant semaine après semaine. Les manifestations, les actions, les grèves démontrent que, malgré les mensonges, les montages, les calomnies et les tromperies de la part du « gouvernement mexicain », toujours absent lorsqu’il s’agit de donner des réponses, le peuple mexicain et d’autres parties du monde ont fait leur le slogan : « Vivants ils les ont pris, vivants nous les voulons ». Dans de nombreux endroits, aussi bien au Mexique qu’à l’extérieur du pays, des étapes importantes ont été franchies rapidement vers de nouveaux cris qui résonnent : « Nous ne vous croyons pas » ; « C’est un coup de l’État » ; « C’est bon, j’en ai marre » ; « Nous sommes tous Ayotzinapa ».

À Iguala, la logique politique est devenue visible, celle qui a fait que, dans notre pays, 180 000 morts nous font mal et que nous continuons d’attendre plus de 20 000 disparus. Aujourd’hui, nous rejoignons la rage active des pères et des mères des étudiants disparus, aujourd’hui nous leur disons que nous attendons que les 43 reviennent, que nous ne croyons pas à la farce par laquelle ils espèrent balayer cette indignation et cette rage générale. Ayotzinapa est le début de quelque chose qui grandit dans les salles de classe et dans les rues.

Ces dernières semaines, un mouvement qui clairement identifie qui ils sont est en train de naître. Dans ce nouveau processus, la peur est en train de reculer, il devient impossible de rester simple spectateur et cela ouvre la possibilité de se demander comment faire pour que notre énergie sociale parvienne à ouvrir une voie qui permette à la société, depuis le bas, d’imposer au gouvernement la vérité avec toutes ses conséquences. Comment continuer à avancer dans cette nouvelle étape ?

Ayotzinapa ne fait pas seulement mal au Mexique, c’est le monde entier qui a mal.

Signatures individuelles :
CANADA: Naomi Klein; 
ÉTATS-UNIS: Noam Chomsky; Michael Hardt; Hugo Benavides (Fordham University);
 URUGUAY: Raúl Zibechi; 
ÉTAT ESPAGNOL: Manuel Castells; Carina Garcia Sanagustin; 
BOLIVIE: Oscar Olivera; 
ARGENTINE: Nico Falcoff;  
COLOMBIE: Dora Muñoz; Constanza Cuetia;  
ALLEMAGNE: Sebastian Wolff (Instituto de Investigaciones Sociales, Frankfurt/Alemania); 
BRÉSIL: Kathy Faudry; Jeferson Zacarias; Denise Lopes; Edila Pires; Liliane Bites; Walter Bites; 
PAYS BASQUE : Juan Ibarrondo (escritor); 
 ITALIE: Adele Vigo; Andrea Paletti; Franco Frinco; Carlotta Mariotti; Filipppo Marzagalli;  
MAROC : Josiane Pastor Rodriguez;  
FRANCE: Valentin Gaillard; Mathieu Meyer; Talia Rebeca Haro Barón (PhD Erasmus Mundus Dynamics of Health and Welfare, Ecole de Hautes Études en Sciences Sociales), Michèle Blossier; Patrice Ratheau; Paul Victor Wenner; Myriam Michel; Hilda Leslie Alcocer Martinez; Louise Ibáñez Drillières; Crystel Pinçonnat; Janie lacoste (Enseignante); Michel Puzenat; Pierre Banzet; Régine Piersanti; Dominique Mariette; Nathalie Todeschini; Stéphane Lavignotte- pasteur (Mouvement du christiaisme social); Farid Ghehioueche (Fondateur/Porte Parole de l’organisation Cannabis Sans Frontières); Jean-Pierre Galland, écrivain et co-fondateur du CIRC; KShoo, co-fondateur et porte-parole de la Fédération des CIRCs; Emmanuel Maillard; Myriam Mérino; Ariane Chottin; Valérie Guidoux; Olivier Vendée; Pierre Picquart (Dr en Géopolitique de l’Université de Paris-VIII) ; Antinea Jimena Pérez Castro; Yann Bagot; Emmanuel Rodriguez; Marie Ibanez; Amparo Ibanez; Gilbert Rodriguez; Marie Ibanez; Jacqueline Henry; Catherine Cassaro; Catherine Bourgouin; Susanna Miglioranza; Sylvie Gauliard; Alain Martinez; Colette Revello; Fatiha Mekeri; Dominique Poirre; Laura Binaghi; Jérôme Bauduffe; Nadia Thomas; Matthieu Texier; Paul Obadia; Vincent Robin; Michel Ibañez; Lise Piersanti; Alain Delprat; Catherine Drillières; Colette Revello; Didier Collot; Marianne Petit; Janine Leroy; Suzy Platiel; Aude Lalande; Mansour Chemali; Corinne Mazel; Celia Ibañez; Pauline Delprat; Michel Contri; Ali Abadie; Mercedes Cruceyra; José Griault; Annick Laurent; Gérard Henry; Georges Gottlieb; Janie Lacoste; Michel Ibañez; Pilar Sepulveda; Rafael Sepulveda; Pascal Ibañez; Patrick Derrien ; Hélène Derrien ; Lia Cavalcanti (directrice de l’association Espoir Goutte d’Or); Catherine Faudry (Chargée de mission – pôle « Collectivités Territoriales » Institut Français); Camille Baudelaire;  
MEXIQUE: Álvaro Sebastián Ramírez (Preso Político y de Conciencia de la Región Loxicha); Francisco Barrios “El Mastuerzo”; Oscar Soto; Alejandro Varas; Raquel Gutiérrez Aguilar; Mariana Selvas Gómez; Guillermo Selvas Pineda; Rosalba Gómez Rivera; Martha Nury Selvas Gómez; María Josefina Perez Arrezola; María José Pérez Castro; José Cervantes Sánchez (estudiante ICSyH BUAP); Rosalba Zambrano; Ana María Sánchez; Tamara San Miguel; Eduardo Almeida; Enrique Ávila Carrillo; Ingrid Van Beuren; Leticia Payno; Cecilia Oyorzál; Ignacio Rivadeneyra; María del Coral Morales; Oscar Gutiérrez; Gilberto Payno; Celiflora Payno; Víctor Payno; Patricia Emiliano; Beatríz Acevedo; Francisco Sánchez; Agustina Álvarez; Mariana García; Miguel Ortigoza; José Antonio León; Sergio Cházaro; José Hugo Estrada Zárate; Iliana Galilea Cariño Cepeda; Pablo Reyna; Guillermina Margarita López Corral; Ana María Corro; Lorena Diego y Fuentes; Enrique González Ruiz; Ignacio Román; Cecilia Zeledón; Berta Maria Rayas Camarena; Judith Arteaga Romero (maestrante Defensa y Promoción de los Derechos Humanos UACM); Aurora Furlong; José Luis San Miguel; Alma Ugarte; Juan Manuel Gutiérrez Jiménez.

ORGANISATIONS:
ÉTAT ESPAGNOL : CGT; ASSI (Acción Social Sindical Internaciolalista); Associació Solidaria Cafè Rebeldía-Infoespai – Barcelona; Centro de Documentación sobre Zapatismo (CEDOZ); COLOMBIE : Pueblos en el Camino;  
ALLEMAGNE : Gruppe B.A.S.T.A., Munster;  
BRÉSIL : CSP-Conlutas–Brasil;  
BELGIQUE : Casa Nicaragua-Liège; CafeZ –Liège;  
CORSE: Corsica Internaziunalista; 
PAYS BASQUE : La Federación Anarquista Ibérica de Euskal Herria (FAI); 
ITALIE: Associazione Ya Basta! –Milano; Centro Sociale CasaLoca – Milano; Associazione Ya Basta – Padova; Nodo Solidale (Italia y Mexico); Comitato Chiapas « Maribel » – Bergamo; FRANCE: Les trois passants – Paris; Caracol Solidario – Besançon; Colectivo Grains de sable; Union local de la Confédération Nationale du Travail (CNT31-Toulouse); Secrétariat international de la CNT – France; Tamazgha, asociacion berbères-Paris; Comité de solidarité avec les Indiens des Amériques (CSIA-Nitassinan); Groupe de soutien à Leonard Peltier (LPSG-France); La Fédération des CIRCs – Paris; Comité Tierrra y Libertad de Lille; Réseau latino-américain de Lille; Émission Torre Latino/Radio Campus – Lille; Comité de Solidaridad con los Pueblos de Chiapas en Lucha (CSPCL), Paris; Espoir Chiapas – Montreuil; Mut Vitz 13 de Marseille, Terre et Liberté pour Arauco – Paris; Alternative Libertaire 31 – Toulouse;  
ROYAUME-UNI : UK Zapatista Solidarity Network; Dorset Chiapas Solidarity Group; Edinburgh Chiapas Solidarity Group; Kiptik (Bristol); London Mexico Solidarity Group; Manchester Zapatista Collective; UK Zapatista Translation Service; Zapatista Solidarity Group – Essex; MEXIQUE : Enlace Urbano de Dignidad; Nodo de Derechos Humanos; Unidad Obrera y Socialista (¡UNIOS!); Unión de Vecinos y Damnificados « 19 de Septiembre » (UVyD-19); La Voz de los Zapotecos Xiches en Prisión; Colectivo La Flor de la Palabra; Comité de Solidaridad con Mario González, DF; Colectivo de Profesores de la Sexta; Frente del Pueblo; Serpaj; Colectivo « pensar en voz alta »; UniTierra Puebla; Colectivo Utopía Puebla; Colectivo de Salud adherente a la Sexta; Grupo « Salud y Conciencia »
INTERNATIONALES: Internationale des Fédérations anarchistes (IFA); Fédération anarchiste (France, Suisse, Belgique);  
RÉSEAU EUROPÉEN DES SYNDICATS ALTERNATIFS ET DE BASE : Confederación General del Trabajo, CGT – État Espagnol; Union syndicale Solidaires- France; Confederazione Unitaria di Base, CUB – Italie; SUD Vaud, Suisse; Confederacion Intersindical – État Espagnol ; Unione Sindicale Italiana, USI – Italie; Intersindical Alternativa de Catalunya, IAC –Catalunya; Confederazione Italiana di Base, UNICOBAS – Italie; Confédération Nationale des Travailleurs Solidarité Ouvrière, CNT-SO – France; Transnational Information Exchange, TIE – Allemagne; Associazione per i Diritti dei Lavoratori Cobas, ADL COBAS – Italie; Solidaridad Obrera, État Espagnol; Confédération Nationale du Travail, CNT –France; Sindacato Autorganizzato Lavoratori Cobas, SIAL COBAS – Italie; Sindacato Intercategoriale Cobas Lavoratori Autorganizzati, SI COBAS – Italia; Ελευθεριακή Συνδικαλιστική Ένωση, ESE – Grèce; Union Syndicale Etudiante Fédération Générale du Travail de Belgique, USE –Belgique; Ogólnopolski Związek Zawodowy Pielegniarek i Poloznych, OZZ PIP –Pologne; Ogólnopolski Związek Zawodowy Inicjatywa Pracownicza, OZZ PIP– Pologne; 
ORGANISATIONS ÉTUDIANTES : Solidaires Étudiant-e-s, France; Union Syndicale Étudiante, Belgique; SUD étudiants et précaires, Suisse.

samedi 28 mars 2015

Vidéos

13.01 Vidéo de parents des 43 qui ont réquisitionné un camion de Coca Cola pour entrer dans une caserne militaire

26.01 Discours du porte parole des parents d'Ayotzinapa à 4 mois de leur disparitions (autre video et ici)

Chronique d'Ayotzinapa, pour mieux comprendre

Conférence de presse des parents d'Ayotzinapa lors de leur venue à San Cristobal de Las Casas


Chronologie

@ EC

Le 26 septembre 2014, une centaine d´étudiants de l’École normale rurale d’Ayotzinapa, état du Guerrero, partent réquisitionner plusieurs autobus en prévision d’une grande manifestation dans la capitale mexicaine, en mémoire des massacres du 2 octobre 1968. Arrivés à Iguala, ils essuient des tirs de la police. 6 personnes trouvent la mort, et il y a plusieurs dizaine de blessés. 3 étudiants meurent, un joueur de foot de 15 ans, une femme dans un taxi et le chauffeur d'un des bus.

 Le corps de l’un des étudiants, Julio César Mondragon, est retrouvé le lendemain, la peau de la tête arrachée, ainsi que les yeux. Et 43 étudiants restent introuvables, après avoir été embarqués par la police municipale puis donnés aux membres du groupe de narcotrafiquants "Guerreros Unidos", séparés du cartel des Beltran Leyva. Depuis, aucunes nouvelles des normalistes..

Septembre 2014


26 septembre : Les Étudiants de l’École Normale d'Ayotzinapa ont pris deux bus pour aller à Iguala. Le maire de cette ville, Luis Abarca, a ordonné à la police municipale de les arrêter et a demandé le renfort de la police de Cocula (une ville proche), supposant qu'ils venaient pour boycotter un discours de sa femme, Maria De Los Angeles Pineda. Durant l'arrestation six personnes sont mortes dont trois normaliste ; il y a eut vingt-cinq blessés et quarante-trois autres disparus !

vendredi 20 mars 2015

Ouvrez les casernes, sinon nous le ferons. Ils l’ont dit. Ils l’ont fait!


AYOTZINAPA.


Le 13 janvier 2015, les parents des quarante-trois disparus ont réquisitionnés un camion coca-cola. Puis, tranquillement, ils ont défoncés la barrière du 27ème bataillon d’Iguala. Pour eux, il ne fait plus aucun doute que l’armée est responsable de ce massacre. Après presque quatre mois d’absence, les paroles, les manifestations, les cris, les larmes ne suffisent plus. Ils passent à un niveau supérieur. Spectaculaire.
Une vidéo sur You tube assez incroyable.


Une échauffourée s’est ensuite produite et Omar Garcia, un des survivants du 26 septembre et porte-voix du mouvement a été blessé. Il a failli perdre un oeil, la photo est édifiante.
L’état perd son sang froid semble-t-il.
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Vivos los llevaron!
Vivos los queremos!!

LE DANGEREUX DISCOURS DES « INFILTRÉS »


Traduction d’un article publié sur Proyecto Ambulante, site de contre-information libertaire, le 22 novembre.


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Manifestation pour les 43 étudiants disparus

LE DANGEREUX DISCOURS DES « INFILTRÉS »

Depuis les mobilisations exigeant la réapparition des 43 étudiants enlevés par des policiers, a commencé une radicalisation de divers secteurs des mouvements sociaux. Il y a toujours plus de gens qui s’investissent dans des activités politiques de différentes natures teinté d’un fort anti-étatisme et n’ayant pas peur de se confronter directement aux institutions. Il faut comprendre que les niveaux de violence, inégalité et corruption sont arrivés à un tel degré que la majorité de la population vit totalement soumise, bien souvent par des méthodes violentes. Au milieu de cette violence structurelle existent des formes de résistance qui ont culminé avec l’incendie d’édifices, d’autobus, de voitures de patrouille et de portes dans plusieurs villes du Mexique. La multiplication massive de ces groupes fait partie de différents développements ayant été accompagné du mépris institutionnel et la violence policière.
Dans ce contexte, les médias de communication officiels et quelques autres de « gauche » ont conçu une campagne de discrédit, de peur, de méfiance et de démobilisation centrée sur les fameux « infiltrés » qui sont supposés « discréditer » les marches ou « justifier » la répression. Ces discours viennent d’en-haut, Peña Nieto lui-même et les organisations patronales les ont répétés. En focalisant et en accusant les « infiltrés » on dilue la responsabilité de l’état, on retire de l’importance à la brutalité policière. Croire qu’il y a eu une opération bien planifiée pour vider le Zocalo afin « d’arrêter » 50 personnes qui « attaquaient la porte du palais national » c’est comme croire que les 4 agents de police présents à la UNAM, dont l’un a tiré sur des étudiants, l’étaient pour « enquêter » sur un portable volé.
« L’infiltré » n’est pas un agent fait pour « délégitimer » ni pour « provoquer la répression ». Toute manifestation contre ce régime totalitaire est légitime et le gouvernement n’a jamais eu besoin de prétexte pour réprimer, et lorsqu’il n’en a pas il en invente ultérieurement (Comme ils le font au sujet des détentions aux abords de l’aéroport). « L’infiltré » est là pour causer la division, pour identifier les personnes les plus actives, pour discréditer ceux qui soutiennent l’action directe et l’auto-défense. Il est extrêmement difficile de reconnaître la plus part des infiltrés, à l’exception de ceux qui donnent les ordres avec ostentation pour se vanter de l’impunité avec la quelle ils peuvent agir. Ils peuvent faire disparaître 43 normaliens sans donner aucune explication cohérente.

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Entre le 14 et le 15 novembre ont été arrêtés Julián Luna, Bryan Reyes et Jaqueline Santana près de chez eux, quelques heures avant qu’un policier ne tire sur des étudiants au sein de la UNAM. Depuis ce jour, au cours duquel Peña Nieto a dit qu’il pourrait recourir à la force publique la répression a augmenté dans tout le pays. La répression du 20 novembre sur le Zocalo a été la déclaration de guerre contre les mouvements sociaux, nous sommes devant les préambules au début d’une nouvelle Guerre Sale.
Essayer de faire prendre au sein de la population le discours sur les « infiltrés » et « le vandalisme » amènera une fracture à l’intérieur du mouvement, une possible aseptisation  des manifestations et une nouvelle guerre sale avec son lot d’arrestations, de tortures, de disparitions et d’assassinats bien plus intense qu’aujourd’hui. Ceux qui avalent l’histoire des « infiltrés pour justifier la répression » ne prêteront plus attention au terrorisme d’état ni aux véritables infiltrés dans le mouvement, ceux qui divisent, qui sèment la peur et récoltent des informations.
Ce discours doit être combattu, il faut dire qui est coupable et expliquer la multiplicité des voies. Il faut rendre visible d’autres formes que celles qui plaisent au gouvernement. Que le politiquement incorrect n’implique pas la malignité. Il faut mettre en lumière ceux qui usent systématiquement de violence et parler plus d’auto-défense que d’infiltrés.
Il faut faire attention, mais ne pas reculer. Il faut défendre, et se défendre du véritable ennemi : l’État. L’État a fait disparaître les 43 normaliens, l’État a réprimé sur le Zocalo le 20 novembre. L’État a capturé des gens innocents et les accuse de terrorisme, les envoie dans des prisons du Veracruz et du Nayarit pour gêner familles et avocats. C’est l’État qui a réformé les lois au bénéfice des corporations et de quelques familles parasites.
C’ÉTAIT L’ÉTAT.

Le « pacifisme » : une justification aux disparitions forcées ?


source.
Traduction d’un article publié sur le site de contre-information libertaire Proyecto Ambulante le 24 novembre.

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Le « pacifisme » : une justification aux disparitions forcées ?

Tout a long de ces dernières semaines il y a eu débat, aussi bien sur les réseaux sociaux que dans les rues au sujet des cagoulés, violents, « vandales », anarchistes et sur la façon dont leurs actions obéissent à une stratégie d’État afin de justifier la répression ; nombreuses sont les personnes qui ont exigé de l’État qu’il contienne et emprisonne ces jeunes qui ont opté pour l’action directe. Prendront-ils conscience des conséquences que trahissent leur discours ?
Hier j’ai lu un texte intitulé « Géographie infernale. Chronique de l’évacuation du Zocalo à la fin de la marche #20NovMx #Ayotzinapa » de Tryno Maldonado, lequel condense tout le discours « pacifiste » qui a été élaboré tout au long de ces semaines ; dans sa « chronique » plutôt qu’un récit de la journée il finit par pointer du doigt « les supposés « anarchistes » qui parviennent à semé la violence », qui n’étaient « (…) qu’une poignée visiblement isolée à côté de la rue Corregidora, face à la façade du Palais National. L’énorme rassemblement pacifiste – beaucoup de familles et de personnes âgées parmi eux – les appelle à la non-violence et se démarque visiblement, loin de ceux qui prétendent instaurer le chaos pour donner un prétexte à la répression. » Comme si le chaos et la répression n’étaient pas déjà instaurés par un appareil d’État qui tout au long de l’historie contemporaine du Mexique a assassiné, fait disparaître et torturé des femmes et des hommes ayant décidé de l’affronter ouvertement ; la Guerre Sale, toujours impunies, a été rénovée avec ce qu’on appelle la Guerre contre le narco au début du mandat de Felipe Calderón Hinojosa et qui maintenant menace de se perpétuer, au mains du PRI, avec l’aide du PRD et presque tous les partis nationaux, à travers de nouvelles modalités et formes, mais qui sont à la fois si semblables à celles du passé : impunies, sélectives, systématiques.
La disparitions forcées des normaliens d’Ayotzinapa constitue un évènement qui remue l’agrégat politique de Yo Soy 132, Atenco, le cas ABC et beaucoup d’autres indignations dans lesquelles nous, mexicains, nous sommes vues immergés ; les rues du Mexique et du monde ont débordé de voix criant C’était l’État ! Ils les ont emmenés vivants, nous les voulons vivants ! Des femmes, des hommes, des enfants, des anciens, des anciennes et des gens qui n’étaient jamais descendus dans la rue se sont unis à l’exigence de Présentation en vie et châtiment des coupables ! C’est un temps pour la rue, parce que c’est là que les gens se connaissent et se reconnaissent pour continuer d’exiger de l’État qu’il ne nous tue plus, qu’il ne nous viole plus, qu’il ne nous torture plus et ne nous fasse plus disparaître ; heureusement par ce muscle des rues indigné, blessé, en colère, solidaire. Dans ce débordement de la rue ont été faites d’autres actions tel que l’incendie de palais municipaux, siège de partis politiques, magasins en libre-service, unités et arrêts des transports publiques et la porte du Palais Nationale, des faits qui ont dévié la colère non seulement de l’État mais aussi d’un secteur de la population qui se définit comme « pacifiste » et qui exige la mise à l’écart et la détention des cagoulés qui ne cherchent qu’à altérer l’ordre et la paix. À quel ordre et quelle paix faites vous référence ? Seriez-vous d’accord pour que les radicaux disparaissent de force ? Pour leur confession obtenue par une large et soutenue torture ? Pour leur confinement à vie dans un centre d’extermination fédéral, appelé Prison ?
Il serait vraiment stupide de notre part de nier l’existence « d’infiltrés » du gouvernement, ceux qui ont été présents tout au long de l’histoire de la lutte sociale, ont pu les rencontrer dans les assemblées, les manifestations et les organisations politiques, parce que hé bien c’est leur boulot, d’infiltrer la résistance populaire ; mais il est aussi dangereux de faire d’eux un fantasme, c’est à dire, faire d’eux la présence d’une absence, jusqu’à générer une fantaisie dans laquelle tous ceux qui décident de passer à l’action directe finissent par être dénoncés comme « infiltrés » avec un argument aussi dangereux que « ils ne cherchent qu’à justifier la répression », chers lecteurs, nous qui sortons dans la rue pour exiger et dénoncer, nous violentons le statu-quo, c’est à dire que l’État n’a pas besoin d’autre justification que celle-ci pour pouvoir sortir ses corps de répression, je crois que ça a été clairement démontré par la répression du 20 novembre dernier ; cette nuit-là, beaucoup de gens ont fini en cellule, un défenseur des droits humains avec des enfants dans les bras a été frappé par des CRS, des jeunes couraient dans toutes les directions pour ne pas être rattrapés par ces bêtes en uniforme, aujourd’hui, un nombre important de jeunes sont poursuivis pour des délits fédéraux, détenus dans des prisons fédérales, à de nombreux kilomètres de leurs familles, de leurs collectifs et de leurs écoles pour, stratégiquement, rendre plus difficile leur défense et les faire plier. C’est pourquoi je pose la question à Tryno Maldonado : qui donc instaure la répression et le chaos ?
Tryno Maldonado n’a pas été le seul à avoir demandé la répression de ces jeunes, qui cagoulés ou non, ont opté pour l’action directe, le député du PRD, Fernando Belaunzarán, s’est également uni à la demande d’emprisonnement pour les « violents » qui ont altéré « l’ordre » et la « paix ». Nous demandons à ces deux « pacifistes » : êtes-vous conscients que les camarades normaliens en sont venus légitimement à ces actions violentes que vous réprouvez tant ? Êtes-vous conscients que le mobile de la disparition forcée des 43 camarades de l’École Normale Rurale « Isidro Burgos » d’Ayotzinapa est cette pratique politique qui violente la « paix » et « l’ordre » du statu-quo que vous défendez ? Le danger de la « chronique » de Tryno Maldonado et des paroles de Fernando Belaunzarán c’est qu’en exigeant la détention (répression) des anarchistes, des radicaux ou de toute personne optant pour l’action directe ou d’autres formes de lutte, ils donnent carte blanche à la répression et par conséquent à la disparition des camarades, tout ça, au nom de la perpétuation de « l’ordre » et la « paix » bourgeoise ; ces deux « pacifistes » ne se distinguent que peu de ce publiciste, nommé Alazraki, qui, il y a quelques jours dans sa rubrique dans le journal La Raison, exige la répression de l’État face à « ces mange-merde qui déstabilisent le pays ». Nous devons considérer la rubrique, les paroles, la « chronique » comme de véritables menaces et un affront à tous ceux qui en-bas s’organisent et résistent à une classe sociale et à son État, lequel cherche à nous immobiliser et même à nous exterminer.

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Il y a mille raisons de se couvrir le visage / Ne jugez pas à priori

Ils nous ont tant pris qu’il nous ont même enlevé la peur.

Ils nous ont tant pris qu’il nous ont même enlevé la peur.

Traduction d’un texte lu sur le site Proyecto Ambulante, mais d’abord publié sur le site de la revue Amérique Latine en Mouvement.
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Ayotzinapa, emblème de l’agencement social du XXIe siècle


Ayotzinapa est maintenant un emblème, tout à fait abominable, des atrocités auxquelles le capitalisme contemporain a offert des espaces. Ayotzinapa c’est n’importe quel partie du monde d’où se lève une vois dissidente, une exigence, un signe de révolte face à la dévastatrice dépossession et démolition dont se nourrit l’accumulation de capital et les réseaux du pouvoir qui la soutienne.
Ayotzinapa est le résultat d’un ensemble de processus entrecroisés qui, avec plus ou moins de densité et de visibilité, sont consubstantiels du capitalisme du XXIe siècle et qui, dans ce sens, n’est pas circonscrit au Mexique mais qui s’étend subrepticement ou scandaleusement à tout le globe.
Le capitalisme du XXIe siècle
Il est toujours plus évident que le capitalisme de notre temps fonctionne sur deux voies. D’un côté nous avons la société formellement reconnue, avec son économie, ses modes d’organisation et de confrontation et sa moralité ; et de l’autre côté croît de plus en plus vite une société parallèle, avec son économie généralement qualifiée d’illégale, et avec un moralité, des modes d’organisation et des mécanismes de mise au pas très différents.
Il y a dans le monde des lieux où les crises du néolibéralisme, en plus de provoquer des changements substantiels dans sa localisation de la division international du travail, dans la définition de ses activités productives et dans les modes d’utilisation de son territoire, ont généré une fracture sociale qui s’est creusée avec le temps. L’une des questions centrales réside dans le fait que les jeunes ont perdu espace et perspective. Était en train de voir le jour une société avec peu de marge d’absorption, et dans laquelle disparaissent les possibilités d’emploi ou d’intégration et où s’effacent les horizons. Il n’y avait pas de place pour beaucoup d’anciens travailleurs, et mois encore pour les nouveaux venus sur le terrain. Certains l’ont nommé Génération X, celle qui ne sait où elle va car elle n’a nulle part où aller. La nouvelle phase de concentration capitaliste fermait tous les espaces tout en étendant son domaine. Elle s’appropriait les terres, incluant les activités domestiques, et même le divertissement, mais excluait de ses bonnes grâces des vagues de plus en plus grosses de la population : les précarisant ou les convertissant en parias.
Avec un processus d’une telle profondeur et avec de telles caractéristiques, on ne peut parler d’un ordre social. Les conditions montrent plutôt le désordre, la rupture, la décomposition, les fractures. Ça signifie que l’ordre a recours à l’autoritarisme, qui est le seul moyen visible de le préserver.
La militarisation de la planète, incluant spécialement les domaines du quotidien, a commencé à devenir la marque générale du processus. La stabilité du système requiert non seulement le marché « libre et ouvert » des néolibéraux, mais aussi une force qui garantissent son fonctionnement. Le marché militarisé, entre des mains non seulement bien visibles mais aussi bien armées. Voilà ce que fut la voie du capitalisme formel, reconnu et, paradoxalement, « légal ».
Mais les fractures ainsi ouvertes dans la société, comme si elles lui avaient appliqué un classement, ont trouvé une échappatoire ou un refuge dans la gestation d’une société parallèle. Une société qui s’est frayé un passage dans les fentes obscures de l’autre mais qui a fini par l’envahir. Une société qui a repêché les immondices que l’hypocrisie de l’autre réprouvait, et l’a converti en business, en espace d’accumulation et de pouvoir.
Toutes les affaires illicites sont passées par là. Trafic d’armes, production et trafic de drogues, trafic d’humains, trafic d’espèces précieuses et rares et de nombreuses variantes de tout ça, qui sont parmi les marchés les plus rentables, entre autres parce qu’ils ne sont pas soumis à l’impôt, mais que la moralité établie se voit obliger d’ignorer.
Et commence ici le jeux des uns contres les autres, faisant croître le business des armes et, surtout, les pratiques d’extorsion, de chantage, d’enlèvement ou quelque autres variantes.
Cependant, l’accumulation de capital se nourrit des deux. Les perdants sont l’ensemble des exclus : économiques, sociaux, politiques et culturels. Exclus des affaires, à différents niveaux, ou exclus du pouvoir.
C’est là qu’arrive l’offre généreuse faite aux jeunes pour trouver leur place. Incorporer les forces de police ou l’armée offrait des conditions qui ne se trouvaient dans aucun espace productif, en plus d’offrir une petite reconnaissance et un petit pouvoir à ceux à qui collait le qualificatif d’inutile social. Mais est aussi apparu la proposition de s’enrôler dans des rangs apparemment contraires. Les marchands de drogues ou les entrepreneurs d’activités illégales ont aussi besoin de former leurs armées de serviteurs ou de gros-bras. Les deux sont devenues source d’emploi récurrente ces deux ou trois dernières décennies, ainsi que génératrice d’une nouvelle culture : la culture du mercenariat, celle du pouvoir arbitraire, celle du saccage par extorsion.
Alors que l’économie « légale » entrait en crises, celle du côté obscure se multipliait, en s’installant parfois sous le même nom que la « légale », simplement avec des modalités plus rentables.
Par exemple l’exploitation minière non déclarée, où on utilise même différentes versions de l’esclavage par le travail. Que ce soit dans les mines africaines ou dans celles du Mexique, avec le travail forcé d’enfants ou d’adolescents, y compris celui de groupes de personnes séquestrées à cet effet, gardés par des forces armées qui peuvent venir de l’armée elle-même ou de mercenaires, le produit ne coûte presque rien puisque les travailleurs ne sont pas payés, qu’ils ne payent pas d’impôts parce qu’ils ne se déclarent pas et qui s’exporte avec la complicité aussi bien des consortiums miniers et de leurs états d’origine, que de celle des autorités locales qui perçoivent une partie des gains pour leur aveuglement ou leur protection.
Ce capitalisme dédoublé parvient ainsi non seulement à éviter les crises mais aussi à spolier doublement la population au moyen d’un esclavage ou d’un semi-esclavage par le travail, d’extorsions en tous genres, expulsion de ses terres, vol direct de ses biens et d’autres semblables. La clef: l’emploi d’une violence impitoyable.
Dans ces circonstances, l’État devient partie prenant du processus et impose à la société des conditions de guerre dans le cadre quotidien. La violence s’installe comme régulateur social et son exercice se diffuse. Dans un jeux de public-privé les contrôleurs sociaux émergent autour des sources réelles de gains, légales ou illégales, et autour de la configuration de pouvoirs locaux aux pattes graissées pour leur capacité à imposer un ordre correspondant à ces modalités d’accumulation.
Les guerres diffuses et asymétriques
Les conditions de la concentration de richesse et de pouvoir dans le capitalisme contemporain, avec son corollaire de précarisation croissante de larges secteurs de la société, ont mené le système vers une situation de risque qui se manifeste par des conflits et des confrontations permanentes de caractère asymétrique, en accord avec la terminologie du Pentagone. De plus en plus les guerres du monde contemporain se fient à l’idée de l’ennemi diffus et adoptent la figure de guerres préventives, la plupart du temps non déclarées.
Les opérations de déstabilisation et de mise au pas, les épisodes de violence spontanée en certains points spécifiques et la violence dosée in extenso, sont les mécanismes propres des guerres non spécifiques contre des ennemis diffus. Elles sont, à la fois, le meilleur moyen de se frayer un passage permettant d’assurer le saccage des ressources de nombreuses régions de la planète, créant une confusion qui gêne l’organisation sociale. L’approvisionnement contrôlé en armes et l’instigation de situations violentes sont les alliés recherchés par le capitalisme de notre temps.
Il n’y a pas de guerres déclarées. Il n’y a pas de guerres entre forces équivalentes. Il y a corrosion. Une tache de violence qui s’étend accompagne le capitalisme du début du XXIe siècle. Les institutions d’assujettissement et de sécurité des États se sont révélées insuffisantes face au haut niveau d’appropriation-dépossession où est arrivé le capitalisme. Ces institutions se répliquent de façon privée et locale aussi souvent que nécessaire. Apparaissent des « états islamiques » de même que les « sécurités privées » ou les « cartels » et les « bandes » de ce qu’on nomme crime organisé, qui protègent et amplifient ou approfondissent les sources de revenus, les sources d’accumulation, et qui, pour autant, sont complémentaires des figures institutionnelles reconnues à ces fins. De même que les forces du marché ont besoin d’un soutien militarisé, les forces institutionnelles d’assujettissement social ont besoin, à un niveau donné d’appropriation-dépossession, d’un soutien désinstitutionnalisé capable d’exercer un degré et un type de violence qui modifie les seuils de la tension sociale. Ce sont des forces « irrégulières » qui, comme l’état d’exception, apparaissent pour rester. Elles ont été incorporées aux dispositifs réguliers de fonctionnement du système.
Ayotzinapa comme limite
La Colombie était en guerre interne lorsqu’à débuté le Plan Colombie et, malgré le changement d’intensité dans la violence exercée et l’intromission directe et évidente des États Unis dans la gestion du conflit, le changement sur d’autres terrains n’a peut-être pas été aussi visible. Le Mexique, au contraire, était célébré comme emblème de l’assujettissement en démocratie avant l’Initiative Mérida.
En moins de dix ans, l’axe d’assujettissement est passé des mains du Parti Révolutionnaire Institutionnel – PRI – à celles de la violence, d’état aussi bien que privées. La clef résidait dans les dispositifs de corrosion qui ont préparé le terrain et la disproportion avec laquelle se sont établies les correcteurs. La violence existe dans toute société mais ses dimensions et les formes avec lesquelles elle s’est intégrée ont imposé de nouvelles logiques sociales. En cette période, la société mexicaine dû s’habituer aux décapitations, mutilations, corps calcinés, disparitions répétées, fosses communes et la complicité manifeste des instances de sécurité et de justice de l’État.
Les estimations dépassent les cent mille disparus et les nouvelles quotidiennement apportent 20 nouveaux morts de plus. Le Mexique s’est converti en un cimetière de pauvres et de migrants que l’on extorque, qu’on séquestre pour l’esclavage, que l’on tue avec une sauvagerie inouïe pour effrayer et discipliner les autres ou que l’ont tue massivement. Le lien de ces actes avec le contrôle des migrations aux États Unis n’est que pure spéculation, mais il ne fait aucun doute qu’ils ont donné des résultats. Ce qui semble évident c’est l’accaparement des terres, des commerces, des ressources et du pouvoir auquel il cède la place. Il y a toujours plus de déplacés et de dépossédés qui ne s’essayent même pas à revendiquer de peur des représailles et parce qu’en plus il n’existe pas d’instances de justice qui les protègent.
En moins de dix ans et après tant de douleur, la société est transformée. Rongée, avec des signes visibles de balkanisation, avec l’accroissement de pouvoirs locaux qui établissent leurs propres normes et négocient avec les pouvoirs fédéraux. La peur s’est installée à travers la sauvagerie explicite et réitérée, bien que, à force d’insister, elle a fini par commencer à générer son contraire.
Ayotzinapa est le sommet de la montagne. Toutes les limites ont été franchies à Ayotzinapa. On a chassé en total impunité, avec étalage de forces, de complicité entre État et crime organisé, ce qu’il y a de plus sincère dans la société: des jeunes pauvres des zones rurales dévastées, étudiant pour devenir enseignants, fils du peuples remplis de joie de vivre, avec l’envie de changer le monde, celui que plus personne ne peut accepter. Mais en plus, Ayotzinapa est le sommet d’une montagne d’injustices, de carences défensives et de rage. C’est la conscience accumulée de l’ignominie et de l’indignité. C’est la situation limite qui fait revenir l’énergie, la vitalité, le courage et la dignité du peuple du Mexique dans les rues. « Il nous ont tant enlevé qu’il nous ont même enlevé la peur » était l’une des premières pancartes portées par les jeunes un peu partout. Julio César Mondragón, jeune récemment entré à l’École Normale d’Ayotzinapa, désormais père depuis quelques mois et victime de la torture la plus sauvage dont nous ayons été témoins, a involontairement été le détonateur, par la force de sa douleur, de la récupération de la force, de l’espoir et de la décision du peuple du Mexique, aujourd’hui mobilisé comme il ne l’avait plus été depuis longtemps.
Ayotzinapa est un emblème. C’est la pointe de l’iceberg ou c’est un clivage.
Ayotzinapa est l’emblème des guerre du XXIe siècle et des nouvelles formes d’assujettissement social qui accompagnent les processus de saccage et de dépossession sur toute la planète. En dix ans le Mexique, qui n’est pas passé par la nuit profonde des dictatures d’Amérique Latine bien qu’il ait eu guerre sale et massacres, s’est transformé en une terre de douleur et de fosses communes. Le problème n’est pas le « narco »; le problème c’est le capitalisme.
Ayotzinapa est un miroir à deux faces: celle de la route du pouvoir est évidente, visible et asservissante; celle de celui appelé à défendre la vie est pâle et discrète, mais elle laissera certainement des traces.

Ana Esther Ceceña est coordinatrice de l’Observatoire Latino-américain de Géopolitique, Institut de Recherches Économiques, Université Nationale Autonome de Mexico. Membre du Conseil de l’ALAI.
* Ce texte fait partie de la Revue Amérique Latine en Mouvement, No. 500 de décembre 2014, qui traite du thème « Amérique Latine: Questions de fond » — http://alainet.org/publica/500.phtml
Source: http://alainet.org/active/79387