Mexique (cas d’Ayotzinapa) : face à la digne rage, le lynchage gouvernemental et médiatique
Le 20 novembre dernier, la colère, la
rage et la détermination ont de nouveau fait irruption dans les rues de
plusieurs villes mexicaines et étrangères. La quatrième journée globale
pour la présentation en vie des 43 étudiants disparus du fait de l’État
mexicain résonnait un peu partout.
Les slogans s’accumulent les un après les
autres donnant ainsi naissance à un positionnement politique qui
rejette les abus de pouvoir, la corruption et les liens profonds de
l’État mexicain avec le crime organisé et le narcotrafic.
Plus de 150 000 personnes sont sorties
dans les rues pour crier encore et encore : « Rendez-les nous vivants !
», « Nous sommes tous Ayotzinapa ! », « C’est un coup de l’État ! », «
Peña Nieto dégage ! ».
À Mexico la marée humaine couvrait le béton de la ville, la place centrale – « le Zocalo »
– était remplie d’hommes, de femmes, d’enfants… Les familles mexicaines
sont sorties parce que les enfants disparus, ce sont aussi les leurs.
Au nord du pays, dans l’État de Sonora,
environ 5000 manifestants ont occupé le Congrès local ce même jeudi 20
novembre. Parmi les manifestants étaient présents l’Assemblée étudiante
de l’Université de Sonora, les pères et les mères des enfants morts en
2009 lors de l’incendie de la garderie ABC provoqué par des négligences
puis couvert par le gouvernement. Roberto Zavala, père de Santiago
Jesús, l’un des enfants décédés lors de l’incendie de la Garderie ABC, a
déclaré : « 104 ans après la Révolution Mexicaine qui est née à
Sonora l’exigence de justice renaît aujourd’hui dans ces terres, dans
une nouvelle Révolution. » (1)
Le Mexique s’est de nouveau réveillé, les
appels à la solidarité continuent, de nouvelles manifestations et
mobilisations sont en cours, et ce malgré le discours féroce « de rappel
à l’ordre » du président Peña Nieto lors d’une cérémonie des forces
armées. Ce dernier a pointé du doigt tous ceux qui portent atteinte aux
institutions, après avoir fait remarquer que dans un État démocratique
comme le Mexique « la violence est inacceptable, peu importe son origine ». Le président a ajouté : « Les Mexicains disent non à la violence », « La société comme le gouvernement repoussent catégoriquement n’importe quelle tentative pour la provoquer ou l’encourager ! ».
Alors que la vérité éclate autour de l’implication et de la
responsabilité avérée des militaires dans l’assassinat de 22 civils à
Tlatlaya, État de Mexico, le président signale que « sous aucun prétexte la loyauté, la noblesse et la vocation du service des forces armées ne peuvent être mises en doute. » (2)
Mais de quelle violence parle le chef de l’État ?
Alors que plus de 180 000 personnes ont
été assassinées au milieu d’une guerre, sous le feu croisé des
militaires, des paramilitaires, des policiers et des narcotrafiquants.
Alors que six personnes ont été assassinées par la police municipale d’Iguala et que 43 étudiants d’Ayotzinapa ont disparu.
Alors que des fosses communes clandestines sont découvertes toutes les semaines.
Alors que chaque jour il devient de plus en plus clair que l’État est
impliqué directement dans le crime organisé et le trafic de drogue.
De quelle violence parle le chef du gouvernement ?
Quand le 15 novembre la police entre en toute impunité à l’Université Autonome du Mexique et tire sur les étudiants.
Quand les autorités mènent une véritable persécution contre les jeunes, les militants, la population toute entière.
Quand ces mêmes autorités menacent les parents des 43 étudiants disparus pour les faire taire.
Quand les arrestations sont systématiques et massives depuis son investiture présidentielle en 2012.
Quand des millions de personnes survivent à peine alors que le président
a mis en vente et privatisé le pays par le biais de réformes
structurelles mises en place en un temps record.
Quand le président et sa femme possèdent une maison d’une valeur de 7
millions de dollars, appelée il y a peu de temps « la maison blanche »
(3) alors que le salaire minimum des Mexicains est d’environ 60 pesos (3
euros) par jour.
… Mais de quelle violence parle-t-il ? !
Aujourd’hui,
les onze personnes arrêtées pendant
la manifestation du 20 novembre ont été transférées dans des prisons de
haute sécurité, punies pour renforcer ce mot d’ordre hypocrite du
gouvernement :
« la violence est inacceptable, peu importe son origine ».
Ces personnes qui manifestaient sont aujourd’hui accusées d’émeute, d’«
association de malfaiteurs », de tentative de meurtre. Toutes ont été
menacées, frappés, mal-traités et ont subi de très fortes pressions
psychologiques lors de leurs dépositions.
Comme lors des manifestations contre
l’investiture de Peña Nieto en 2012, la presse vendue et le gouvernement
recommencent à mettre en place une campagne médiatique de lynchage en
qualifiant les manifestants de
« radicaux », de
« déstabilisateurs », d’
« encagoulés », d’
« infiltrés »,
et en ciblant plus particulièrement les groupes anarchistes.
Dernièrement, dans la presse, la diabolisation et la criminalisation des
anarchistes ou des personnes proches réapparaissent férocement. Un
article liste même les noms des activistes ou militants anarchistes en
les présentant comme les responsables de tous les maux. Nous sommes
particulièrement inquiets des signalements mensongers que la presse a
fait de notre compagnon
Mario Gonzalez,
récemment libéré, et de notre compagnonne Nuria Roxana Ramírez Solano.
Nous restons attentifs à ces faits et lutterons contre cette campagne
médiatique grâce à nos propres médias alternatifs, pour que l’esprit de
révolte qui fleurit un peu partout au Mexique et ailleurs se développe
encore.
No pasaran !
Nous sommes tous Ayotzinapa !
Nous les voulons vivants de retour à la maison !
Liberté immédiate aux prisonnier-e-s !
Halte au lynchage médiatique et à la criminalisation des luttes !
Les trois passants /correction Valérie